« J’AI LU POUR VOUS »

« J’AI LU POUR VOUS »
 
notes de lecture de PASCALE KOLLEN,
                     Vice – présidente de
Souffrance au Travail 34, avril 2018
UN
ARTICLE D’ELENA SCAPPATICCI, JOURNALISTE A LA REVUE
« L’IMPREVU »   (fév.2018) :
Souffrance au travail : « les salariés ne se   reconnaissent plus dans ce qu’ils produisent »
Cet article s’appuie sur les travaux et expérimentations menés par Yves CLOT et Jean-Yves BONNEFOND, chercheurs en psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).
Partant de la souffrance croissante des salariés au travail, ils soulignent la dimension fondamentalement écologique et politique de cette crise qu’ils situent sur le terrain de l’éthique.
Une forme de violence nouvelle est apparue dans le monde du travail, qui impacte la qualité de vie au travail, ainsi que la santé mentale, et qui est liée à la qualité des produits et des services qui sont fabriqués.
En effet, on observe que l’exigence de rentabilité dictée par le marché (les délais, les coûts, la concurrence) entre
en conflit avec l’expertise que détiennent les travailleurs : ils se voient obligés de s’en tenir à une production dans laquelle ils ne se reconnaissent plus… Ils ont le sentiment de pervertir leurs compétences et de sacrifier leur conscience professionnelle, et donc ils vivent une sorte d’aliénation.
Selon Yves CLOT, «  il est parfaitement incohérent de réduire l’impasse actuelle à un simple problème de management. Les enjeux sont beaucoup plus importants que cela ; c’est un problème fondamentalement politique (…) »
En maltraitant les choses, les matériaux et les services, comme on le fait actuellement : consommation pervertie, obsolescence programmée des produits et des services, ce sont aussi les travailleurs que l’on maltraite ! Aussi bien chez Volkswagen, où les employés ont été contraints de tricher sur les moteurs non polluants en inventant dans l’urgence un logiciel truqué,  que dans les EHPAD, où on ne donne pas aux  soignants les moyens de faire leur travail comme ils le voudraient, les problèmes sont graves et refoulés.
Il manque un processus de dialogue institué, une négociation collective.
Considérons le cas des  jeunes générations de travailleurs : ils entrent dans le monde du travail en passant d’un monde de libertés citoyennes multiformes à un monde où règne la subordination… ils vivent ainsi une «  contradiction explosive, et en viennent à penser que le salariat est la voie de la tyrannie ! »
Il ne faut pas ignorer que « ce fait de retrouver une sorte de démocratie avortée dans la vie professionnelle est
quelque chose de très douloureux » !
En échange de ces contraintes de subordination, le salaire, le pouvoir d’achat, la consommation, bref le consumérisme qui longtemps a satisfait les individus, n’est plus suffisant.
Désormais, ce qu’ils attendent du travail est d’un autre ordre : contribuer aux décisions sur son travail, faire
admettre que la parole du travailleur permet de résoudre des problèmes très concrets au sein des processus de production, et en bref, avoir plus de liberté pour bien faire son travail.
Yves CLOT et Jean-Yves BONNEFOND  ont ainsi décidé, il y a 4 ans, de travailler avec Renault pour une expérimentation sur leur site de Flins (Yvelines). Ils ont mis en pratique des préconisations pour un processus de dialogue et de décision sur la qualité du travail, une forme de démocratie en ce sens que l’information peut désormais avoir un sens ascendant vers la direction de l’usine, via une ligne hiérarchique bien pensée (« les opérateurs référents »).
(Pour une lecture plus détaillée de cette expérimentation, voir l’article lui-même)
Si on examine le rôle des syndicats et celui des CHSCT, on voit que les premiers ont ancré leur action principalement sur la participation des salariés aux bénéfices de l’entreprise, plutôt qu’aux décisions – et que les seconds sont
restés centrés sur les conditions de travail plutôt que sur le travail lui-même.
Ainsi la pénibilité, par exemple, est actée, constatée, et dédommagée dans le futur du salarié, mais elle ne fait pas l’objet d’une transformation fondamentale…
Dans l’entreprise, le conflit, la controverse ne doivent pas être évitée car ils sont féconds ! En cela, nos deux chercheurs sont critiques sur les thèses d’Isaac GETZ, avec son concept d’entreprise libérée.
« L’employeur ne peut conserver seul le privilège de décider de l’objet et du contenu de l’activité (…) Les salariés souffrent justement du poison des activités empêchées dans un travail ni fait ni à faire.
Une nouvelle génération de droits pour les travailleurs et pour les consommateurs est immédiatement nécessaire ».
Le travail peut et  doit consister à « vivre le plaisir commun de la transformation de soi ».
https://limprevu.fr/affaire-a-suivre/souffrance-au-travail-les-salaries-ne-se-reconnaissent-plus-dans-ce-quils-produisent/

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